mercredi 17 décembre 2008

Québec – Ventanilla

(Oaxaca, Mexique) 2008_phase 2


Phase 2 : ralentissement et explorations au Texas

De la Géorgie à la frontière du Mexique au Texas, je roulai plus vite que jamais. Ma vitesse de croisière était le plus souvent de 140 km/h, avec des pointes à 160. Les autoroutes sont faites pour cela, même si la loi fixe la limite à 110, parfois à 120.

Le ralentissement s’est produit non pas sur les routes, mais en prolongeant les séjours à mon arrivée au Texas. Là, sites de camping et faune ornithologique m’ont retenu deux jours de plus que prévu. Pour mon plus grand plaisir.

Mercredi, 12 nov.
Dernière journée au long cours : 824 km. Je quittai tôt mon camping enchanteur de Géorgie pour traverser à toute allure l’Alabama et le Mississipi. Changement de fuseau horaire, j’ai reculé mes horloges. J’arrivai en après-midi dans les environs de LaFayette, Louisiane, où j’avais localisé par Internet un terrain de camping KOA.

Horreur! Parmi des centaines de sites pour véhicules récréatifs (RV) s’étendant sur une plaine immense, les quelques sites pour tente se trouvent à 100m du speedway où vrombissent 24h/24 une infinité de camions remorques et doubles remorques roulant à 130km/h. Infernal ! Il a plu pendant la journée, et les sites sont inhospitaliers et trempés, bien qu’en béton et terre battue.




I - Interstate 10, Fannett, Texas (un clic sur image pour agrandir)
© Paul Germain
J’avais déjà payé ma nuit (29$ US, quand même!), mais j’estimai inutile de souffrir tout cela pour sauver quelques dollars. Je retournai à l’accueil pour dire que je changeais d’idée, désirant une cabine. Avec trois mots d’explication, j’obtins miraculeusement la compassion de la propriétaire, et elle m’offrit la cabine... sans aucun supplément. Échange de paroles et sourires, j’ajoutai que je me souviendrais d’elle. Ouais, dût-elle penser, un passant qui fuit le bruit…

Dix minutes plus tard, je retrouvai la dame et lui offris un flacon de sirop d’érable du Québec. Pas que des paroles…

En soirée, je rédigeai et envoyai mon premier courriel collectif depuis mon départ :
« En grande forme, je suis arrivé à Lafayette, en Louisiane.
J’ai roulé 3,300 km en 4 jours.
J’écris de ma cabine du camping KOA, où j’ai accès à Internet sans fil.[…]
Aujourd’hui, j’ai traversé l’Alabama et le Mississipi à 140 km/h, presque sans ralentissement. Cela me tient alerte et augmente ainsi ma sécurité. Cela m’amuse aussi, car autrement, c’est pas trop intéressant. Et je sauve du temps pour des pauses et le campement.
»

Et à nouveau, j’étudiai longuement mon itinéraire et fit quelques changements afin d’explorer au Texas les lacs Texana et Falcon, ce qui allait augmenter passablement le kilométrage. Mais à chaque jour je n’allais pas dépasser 500 km, soit un peu plus de 4 heures de route.


Jeudi, 13 nov.
Le matin, je m’assurai par téléphone (Skype, sur mon portable) que les State Parks du Lac Texana et du Falcon Lake pourraient m’accueillir. Aucun problème. Je terminai mes courriels individuels à 11h, et je parti 30 minutes plus tard.

À nouveau dans la jungle délirante des camions, des RV et UV, et de tout ce qu’il y a de plus gros comme flotte sur macadam! Les voitures de la dimension de l’AVEO sont ici très rares. Le gigantisme et l’obésité sont la règle. Comme une souris, je me faufile et file au travers de cette horde effrénée.

Deux heures après avoir quitté LaFayette, j’arrivai au centre névralgique du Texas, le point de mire terrestre de l’astronautique.

Une vue aussi splendide qu’inattendue se présente à vous alors que vous roulez à 140 sur un speedway à 10 voies (US-59 S, à la sortie de Interstate-10) : Downtown HOUSTON apparaît subitement comme un miracle de beauté architecturale après avoir roulé des centaines de km dans la médiocrité ou pire. Un ensemble d’édifices gris-rose s’élève du centre ville comme une haute montagne escarpée. On dirait le tout conçu pour présenter un aspect des plus harmonieux, sobre et somptueux à la fois. On dirait une cime de granit rose sculptée par le vent et la pluie. Mais non, ce serait surtout le travail incessant du chaud soleil et de la froide obscurité qui casse les falaises rocheuses des pays chauds, comme le font gel et dégel des latitudes plus froides. Mais le tout est humanisé : plus lisse et symétrique, avec des milliers et des milliers de fenêtres…

C’est superbe! Dommage qu’à cette vitesse, sur cette route invraisemblablement large et couverte de véhicules comme des essaims de guêpes sauvages, il me soit impossible de prendre des photos. Et puis, après tout, c’est peut-être une tour de Babel moderne…?

Une heure avant le coucher du soleil, j’arrivai au camping du Lake Texana State Park. Excellent choix. Aucun bruit, temps doux malgré une brise de l’est qui bruine un peu.

Après mon installation et mon souper, il fait nuit. Dans l’obscurité tout près, des bruits insolites, des petits cris et grognements, et dans le faisceau de ma lampe frontale, sept ou huit paires de petits yeux dorés brillent ici et là, bougeant parfois, me fixant à d’autres moments. Ils sont gourmands, ratoureux, chicaniers, curieux et effrontés. Obèses en plus!

Je m’explique pourquoi une partie de mon repas s’est envolé pendant les minutes où je m’étais éloigné pour un oiseau inconnu. Maintenant, ils cherchent partout les restes de mon souper. Jusque sur le toit de ma voiture où il s’acharnent à grimper en y laissant partout leurs pistes boueuses. Quel gâchis! Mais enfin, c’est plus drôle que tragique…
Ah oui! Vous avez identifié le Raton laveur, en clone, bien sûr.


II - Cerfs de Virginie, Lake Texana State Park, Texas
© Paul Germain

Avant de me faufiler dans mes sacs de couchage sous le toit très bas de ma légère tente, je me dirige naturellement à la salle de bain. Le site est presque désert. Mais à une vingtaine de mètres des toilettes, un groupe de cerfs s’est rassemblé pour la nuit. Ils se reposent et ruminent. Je retourne chercher mon appareil, mon vieux petit Fuji, car je ne sais pas encore utiliser mon nouveau Canon EOS 40D. À mon approche, les cerfs se déplacent tranquillement, se souciant plus ou moins de moi. Avec le flash, je finis par réussir quelques photos un peu floues, ce qui n’est pas évident avec la distance et le téléobjectif, car je suis photographe de jour.


III - Douceur des bêtes végétariennes. Lake Texana (un clic sur image pour agrandir)
© Paul Germain


Pendant la nuit, je me suis réveillé pour entendre distinctement des hiboux : la Chouette rayée (parfois on dirait une femme qu’on étrangle) et le Grand Duc. Ce dernier hulule avec sa voix basse, tout en dignité… Au Lac Texana, la faune est très présente.


Vendredi, 14 nov.
Petit matin ornithologique au Lac Texana, Texas


La pleine lune a commencé son déclin.

Un voilier d’une trentaine de bernaches se dirige au sud-ouest. Nos bernaches du Québec passent-elles l’hiver au Mexique? Une population de Branta canadensis hiverne au nord du pays, mais elle n’atteint pas le Oaxaca. Plus tard, c’est un voilier de 35 Oies des neiges qui suit la même direction. Elles ont le même patron de migration vers le sud que les premières. Et ma foi, je les imite en les dépassant éventuellement.


IV - Lac Texana, Texas – Chênes aquatiques – Un Urubu prend son envol (un clic sur image pour agrandir)
© Paul Germain


Un chant strident fend l’air à répétition. Comme en avril au Québec, je reconnais le Moucherolle phébi. C’est bien lui, là sur les branches basses du chêne aquatique. Je ne savais pas qu’il chantait hors de la saison de reproduction, durant le mois des morts…

Un Cardinal rouge siffle son chant métallique. Bientôt j’aperçois le couple. La femelle est plus belle à mes yeux, car son plumage est nuancé de brun, fauve et rougeâtre. Et, à l’égal du mâle, lui rouge macho, elle porte le masque noir et la huppe de majesté.


V - Cardinal rouge femelle – sobre élégance (Oaxaca, Mexique)
© Paul Germain



À travers une quinzaine d’espèces familières, Pluvier kildir, Chevalier grivelé, Geai bleu, Martin-pêcheur, etc., j’ai pu identifier une espèce nouvelle pour moi : le Troglodyte de Caroline. Sans son chant insistant, je ne l’aurais pas repéré.


VI - Envol du Faucon émerillon
© Paul Germain


Un Faucon émerillon femelle vient se percher dans la cime d’un arbre. Je l’approche et j’attends longtemps qu’il prenne son envol pour fixer cet instant dynamique.

Comme c’est agréable de se retrouver comme au printemps, à la mi-novembre!


Rencontre d’un Cardinal du 3e type

Je décampai et quittai le Lac Texana au milieu de la matinée.


VII - Interminable plaine du Texas, plus de ciel que de terre
© Paul Germain
Comme seul en plein ciel, à 140-160 km/h, j’ai plus l’impression de piloter un Cessna que de rouler sur ces interminables plaines du Texas. Vers 13h, je coupe les gaz pour atterrir dans une minable aire de repos à l’abandon sur cette route déserte (US-59, vers Laredo).







VIII - Cardinal pyrrholoxia mâle en son habitat
© Paul Germain

Ici, tout est dégradé, même la végétation. Mais dans les broussailles j’entends des cris d’oiseau inusités pour moi. J’exulte à la découverte d’un Cardinal pyrrhuloxia, tout près, mais difficile à photographier au travers des rameaux et feuilles. Tandis que je le chasse avec précautions, le voilà qui vole et se pose sur le miroir externe de ma voiture. Il connaît cette technologie, de toute évidence. Mais je demeure surpris! Pendant l’heure de ma pause, maintes fois il a recommencé son manège : de toute part il explore les miroirs extérieurs, s’y mire, et se met à combattre son congénère compétiteur. Il connaît, mais ne semble pas comprendre… Son jeu l’accapare au point où je puis l’approcher à moins de 2m, ou encore, être assis dans ma voiture, sans qu’il n’en soit gêné. Cliquez une fois sur l'image pour l'agrandir.



Après cette fabuleuse rencontre, je repris ma route pour arriver en peu de temps à Laredo, Texas, à la frontière du Mexique. Je longeai la frontière du côté USA jusqu’à ma destination du jour : Falcon Lake State Park.

Le lac est un réservoir d’eau douce international. L’État du Texas y a aménagé un grand parc dédié à l’environnement, au tourisme écologique (hem! Avec des tonnes de RV et de yatchs…), et à l’observation des oiseaux. J’y plantai ma mini tente juste avant le coucher du soleil. Le parc était peu occupé en cette saison morte. Quelques bateaux revenaient de la pêche ou de croisière tous projecteurs allumés, la lune ne leur suffisant pas. Faut dire qu’ils devaient hisser leur lourd engin sur leur remorque nautique au moyen d’une rampe bien aménagée à cette fin. Le tout était tracté par leurs camions qui avaient les proportions voulues… Quelle est l’empreinte écologique de ces vacanciers sur la planète?


X - Falcon Lake State Park - Marais aux abords du lac (un clic sur image pour agrandir)
© Paul Germain


Samedi, 15 nov.
C’est le 7e jour de mon voyage. Un front froid s’est abattu du NE sur toute la région. Il fait à peine 15 degrés au petit matin, et à midi, il ne fera que 20 – contraste avec les 30 degrés d’hier. Les perturbations météo affectent toute la planète. Comme les exactions des politiciens. Dans les toilettes du parc, un seul graffiti lisible : Bush is a criminal.

C’est allégrement que je parcourai un sentier écologique du parc Falcon Lake à travers une végétation basse et semi-aride où abondent les épineux et les cactus. Parmi la trentaine d’espèces observées par moi dans le parc, il en eut quelques nouvelles (pour moi) :
Le Grand Géocoucou
La Buse de Harris
Le Troglodyte des cactus
Le Pic à front doré


XI - Pic à front doré - Nature Trail - Watch for snakes – Falcon State Park, Texas (un clic sur image pour agrandir)
© Paul Germain


Deux grands rapaces sillonnaient le ciel, menaçant la petite faune : le Caracara huppé, et le Balbuzard pêcheur. Non moins menaçants pour les poissons et les crevettes malgré leur apparence plus sympathique : le Pélican blanc, le Grand Héron et la Grande Aigrette. Et quant à souligner le contraste en l’apparence et la réalité, je mentionne l’adorable petit Moucherolle vermillion, si mignon dans sa livrée noire et écarlate. Il sème la mort parmi les insectes volants.



XII - Moucherolle vermillon (Oaxaca, Mexique)
© Paul Germain



À ma sortie du parc en début d’après-midi, je me trouvai à 200 km seulement de Brownsville, Texas, à l’extrémité est du continent, juste à la frontière du Mexique et au bord du Golfe du même nom. J’avais l’intention de traverser la frontière pour enfin aller dormir au Mexique, peut-être à un autre 200 km plus au sud.

Inch’Allah!

Mais Allah ne voulut pas.



Prochain épisode :
Phase 3 : trois fois la frontière et puis El Cielo !

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