mardi 12 avril 2011

SAURON : un nom reptilien…
mais de quoi?
Voilà, ça y est! J’ai acquis un scooter tout neuf. J’ai payé 9000 pesos (750 dollars can.) Quelle veine!
Bien! À ce sujet, je pourrais raconter bien des bobards…
Je pourrais dire : À l’occasion de mon anniversaire tout récent, je me suis offert…. Mais ça n’a rien à voir, je m’en fous de mon anniversaire, et puis ce jour-là de mes 72 ans j’étais heureux à observer des bécasseaux du ressac pour la première fois, j’étais à la mer, à des années-lumière de tout ce qui n’est pas pure nature.
Je me suis offert...
Ou encore, je l’ai gagnée à la loterie : j’ai acheté 300 billets à 30 pesos, sur les 1000 qui étaient à vendre, puis avec un petit peu de chance un des miens a été tiré! C’est vrai! Le comité de la chapelle de Ventanilla a organisé une loterie et j’ai acheté… 10 billets à 30 pesos, mais je n’ai pas eu de chance. Personne n’en a eu par ailleurs (mystérieusement), et le scooter à gagner est demeuré entreposé laissant toute la communauté perplexe.
Avec son échappement chromé...

Plus simple : j’ai été dans un grand magasin de Pochutla présentant 30 motos et scooters en étalage, je suis tombé amoureux de la BKM Sauron de Vento rouge avec son échappement chromé, et le vendeur sensible à mon émotion me l’a laissée pour la moitié du prix normal. Complètement faux : cette marque ne se vend pas sur la Côte du Oaxaca, mais il est vrai qu’on l’annonce sur Internet à 17,000 pesos, chez des revendeurs de la capitale.
Plus dramatique: ma vie manque de poussées d’adrénaline. Les dangers qui m’entourent habituellement ne me suffisent plus, genre : crocodiles géants dont une petite saute d’humeur peut renverser mon mini bateau à l’affût de paisibles oiseaux aquatiques; conducteurs ivres dérapant devant moi; charges de camions sautant pardessus bord; serpents, scorpions, punaises géantes transmettant une maladie mortelle (j’en fus piqué récemment), cela sans compter mes propres bêtises au volant de mon AVEO, et j’en passe… Alors je désire m’exposer aux dangers supplémentaires qu’offrent aux conducteurs de scooters la circulation des autos, camions, et autobus sur des routes minées de petites surprises. Mais à vrai dire, c’est là plus un inconvénient accepté qu’un désir authentique.
La punaise réduve gonflée de mon sang!

La réalité serait-elle plus morne et décevante? Aurais-je été obligé de remplacer par un mini véhicule, faute d’argent, ma voiture AVEO volée, ou morte dans un accident ou de maladie mortelle comme une crise cardiaque, le bloc moteur chauffé à bloque? Vraisemblable, mais faux. Ma voiture se porte mieux que jamais.
Ma voiture adore la douche

Alors quoi? Comment peut-on acheter à moitié prix un scooter tout neuf? Et comment cela peut-il m’arriver à moi, qui ne l’ai pas vraiment cherché?
Je vais tenter de résumer une histoire un peu longue et compliquée.
J’étais au Québec en septembre dernier (2010) quand j’ai reçu de mon amie Noemi la proposition d’acheter 10 billets pour le tirage d’une « moto » neuve au profit de la chapelle de Ventanilla en construction. J’ai accepté.
Le jour du tirage, personne n’a gagné la moto (?!), qui est restée entreposée au village.
Dans les mois qui suivirent Noemi m’appris que la « moto » était entreposée chez elle par mesure de sécurité, et que le comité de la chapelle, propriétaire de la moto, aimerait bien en disposer s’il pouvait atteindre son objectif initial qui était de vendre 1000 billets à 30 pesos. Dans les faits, il était resté 300 billets non vendus. Elle m’a suggéré, si je voulais toujours gagner la machine, d’offrir 9000 pesos au comité de la chapelle.
Dans les environs, il y avait peu d’intérêt pour cette « moto », disons maintenant, de manière plus appropriée, le scooter. Je ne me suis pas pressé non plus.
Le jour de mon anniversaire, j’ai revu le scooter chez Noemi, et nous avons discuté de la manière dont je pourrais faire mon offre. Dans la semaine, tout s’est arrangé, et j’ai comme « acheté les 300 billets restants à 30 pesos »… Donc, il n’est pas complètement faux de dire que j’ai acheté en deux étapes 310 billets et que j’ai gagné la loterie! Le résultat est le même, et le comité de la chapelle va compléter ses travaux urgents avant la saison des pluies qui approche.
La voici sur ma colline forestière

Mais il y a quelque chose de plus intrigant dans cette histoire, qui m’était demeuré caché jusqu’à récemment. La vraie propriétaire du scooter que j’ai acheté était Noemi elle-même! Voici comment la chose est passée au Comité de la chapelle.
Pour lever les fonds nécessaires à la construction de la chapelle, le comité avait conçu le projet d’organiser le tirage d’une automobile. Quoi! D’une auto? Quand Noemi apprit cela, elle suggéra qu’il serait plus approprié et réaliste de faire tirer un scooter, vu les sommes impliquées. Elle avait raison, comme le montre les résultats décevants du tirage.
Et elle était directement intéressée, car elle possédait un scooter neuf entreposé depuis 2-3 ans dans sa maison de Ventanilla. Elle l’avait acheté à México (chez Sears) quand elle organisait son déménagement de la capitale vers Ventanilla (du plus immense à l’infiniment petit) pensant l’utiliser pour faire la navette entre la maison et son travail à Pochutla. Mais dès les premiers jours la distance et les dangers l’ont découragée et elle a acheté une automobile.
Le comité de la chapelle lui a payé 15,000 pesos pour mettre le scooter à la loterie, espérant doubler la mise par la vente des billets. C’est aujourd’hui seulement qu’il a réalisé son objectif en recevant mes 9,000 pesos (en plus des 21,000 de la vente des billets).
Et moi, je me retrouve avec le scooter de Noemi! J’ai payé 9,000 et elle a reçu 15,000… De mon point de vue, tout cela est très comique, et plutôt avantageux.
Pour moi il n’est pas banal de rappeler qu’il y a 55 ans, je recevais, cadeau de mes parents, un scooter italien de marque Lambretta avec lequel je fis mes premières armes comme conducteur… Merci à papa et maman pour leur ouverture et leur générosité : il y avait un risque que ce soit mon dernier véhicule (vu mon immaturité d'alors...). Gracias a la vida, je suis toujours là!

jeudi 3 juin 2010

Printemps de la révolution


Rappel: les images s'agrandissent en cliquant dessus. Retour à la page par la flèche en haut à gauche.

J'aurais pu intituler ces lignes Printemps 2010 ou encore Explosion de fleurs… ou de cent autres façons. Mais l'année 2010 étant le centenaire de la révolution mexicaine, et n'ayant pas vu autres manifestations que cette explosion de fleurs dans les arbres, il m'a plu de donner à Dame Nature le rôle principal dans la fête. Une fête des arbres, de la fécondité des arbres. La fête d'une révolution annuelle qui, plus encore que les autres révolutions, conserve jalousement les manières ancestrales de vivre, lutter, aimer, partager, exulter et mourir.

Figure 1. La fleur du flamboyant brûlant de tout son coeur
© Paul Germain 2010

Printemps de la révolution. Cela sonne comme le début d'un grand œuvre. Chaque fleur qui offre ses organes aux vents et aux pollinisateurs est à l'origine d'un grand œuvre. Chaque chenille qui s'endort en sa pupe…


Cela est vrai sous toutes les latitudes. Mais le nordique ne cesse de glousser d'étonnement et d'admiration devant l'extravagante générosité de la nature tropicale, quand elle étale ses couleurs aux moments des floraisons. Car il y a des floraisons diverses toute l'année, même au cœur de la saison sèche, quand la terre semble aussi aride que le sol lunaire.


Figure 2. Derrière la lagune et la mangrove, les collines couvertes de forêts sèches (Manialtepec)
© Paul Germain 2010


Ici sur la côte pacifique du Oaxaca, le printemps s'installe en saison sèche. Il n'a pas plu depuis des mois. À la mi-mai, la plupart des arbres forestiers sont nus. Quelques espèces toujours vertes et le fameux géant guanacaste (parota, ou oreille de singe) qui reverdit en mars font ici et là des taches verdoyantes et rafraîchissantes. Il s'agit de la forêt sèche ou caducifoliée, et de ses environs habités. Car il est aussi une forêt d'un vert profond toute l'année et qui s'étend dans les marécages du littoral: c'est la mangrove, ce sont les palétuviers et les espèces associées. Là, l'eau abonde avec toutes ses bêtes d'eau.

Mais le paysage habité et celui des collines capricieuses qui fournissent aux hommes leurs bois et leurs écorces, celui-là a encore son allure de filigrane aux couleurs terreuses.

Figure 3. Filigrane aux couleurs terreuses de la forêt sèche, 1 juin 2010, Ventanilla
© Paul Germain 2010


Figure 4. Là où j'habite, les feuilles tardent à s'épanouir. 1 juin 2010
© Paul Germain 2010

Et soudain, sans demander au ciel de quoi se désaltérer un peu, voici que nombre d'entre ces arbres dépouillés se couvrent d'une chape de fleurs aux couleurs "chacune selon son espèce", ou même multicolores. Si le miracle existe, en voilà une manifestation.

Figure 5. Rameaux de flamboyant ayant prit le feu printanier
© Paul Germain 2010

Beaucoup voient cela comme normal. Ils ont vu cela dès leur tendre jeunesse. Souvent ils n'imaginent pas les paysages moins fleuris du reste du monde. Mais quand le canadien voit cela, il ne cesse de s'étonner et d'admirer – à moins d'être totalement blasé.

Les images qui illustrent ce texte essaient d'exprimer cet étonnement et cette admiration, avec l'espoir qu'ils seront contagieux.

Figure 6. Et voici un jeune flamboyant qui ne compte pas ses feux
© Paul Germain 2010


Figure 7. On l'appelle ici lluvia de oro: pluie d'or
© Paul Germain 2010


Figure 8. Le frangipanier pousse aussi en forêt; le parfum de sa fleur rivalise avec sa beauté
© Paul Germain 2010

Et puis… il y a tout près de ma cabaña un petit arbre qui fleurit fin mai de toutes ses petites fleurs blanches, lesquelles disparaissent en quelques jours. Au moment de l'épanouissement total, j'ai assisté au carnaval des papillons et autres pollinisateurs. En moins d'une heure, j'ai pu faire une récolte d'images d'une variété étonnante d'espèces. On en trouvera ici quelques-unes.

Comme quoi les insectes aussi sont révolutionnaires.



Figure 9. Papillon "chouette" : qui osera l'attaquer?
© Paul Germain, 2010


Figure 10. Papillon "feuille": mimétisme végétarien
© Paul Germain, 2010



Figure 11. Papillon "tigre": mimétisme carnivore?
© Paul Germain, 2010



Figure 12. Papillon noir bordé d'or: somptueuse sobriété
© Paul Germain, 2010



Figure 13. Papillon "queue d'hirondelle" ocre
© Paul Germain, 2010



Figure 14. Papillon à plumes (dans la foulée...)
© Paul Germain, 2010

Pouvais-je ne pas montrer l'oiseau? Carnaval des papillons, des fleurs et des colibris !

Mardi, 1er juin 2010

dimanche 28 mars 2010


Oiseaux noirs, oiseaux blancs

La « faute » n’est pas dans l’acte posé :
elle est dans l’œil de celui qui juge




Suggestion au lecteur: parcourir d'abord les 9 photos, puis lire le texte sans interruption. La plupart des photos s'agrandissent par un clic dessus.

Sur le Pacifique, au large des côtes du Oaxaca, Mexique.

À tout moment, le vent rabat sur nous et sur nos jumelles les éclaboussures salines. Les appareils photo ont été mis à l’abri. La vague est forte, et notre chaloupe s’écrase parfois de 3 mètres d’une crête au creux suivant. Ici, ce n’est pas le confort et la sécurité de la lagune.



Figure 1. Nous irons au large, même si la vague est forte :
de quelle augure, ces oiseaux noirs?
© Paul Germain, 2010

Le tangage rend difficiles le repérage et l’identification des oiseaux, malgré la superbe lumière que le soleil répand devant nous. Nous sommes aux aguets, mais la patience de certains s’use dans ce désert marin. En apparence, les courants et le vent des dernières heures ont chassé presque toute vie à la surface de l’eau. Depuis que nous avons laissé la côte, à peine ai-je aperçu un poisson volant, et quelques tortues indolentes.


Je guide un petit groupe de quatre observateurs d’oiseaux venus des États-unis et d’Allemagne. Ils aimeraient bien profiter de cet exotisme pour découvrir de « nouvelles » espèces. Ils ont bien eu la chance, il y a une demie heure à la Roca Blanca non loin de la côte, de partager ma plus belle observation des phaétons à bec rouge. Les fous bruns et les frégates étaient nombreux là-bas, et le balbuzard a fait une belle apparition. Mais comment satisfaire l’avidité des passionnés d’oiseaux?



Figure 2. Puffin à pieds roses, oiseaux pélagique du Pacifique
© Paul Germain, 2010

Et comment agir quand la panique et la colère remplacent l’avidité?
Le bruit du moteur et du vent et le tapage de l’eau sur l’embarcation sont soudainement couverts par les cris d’une passagère. Depuis mon poste à l’avant, où je me tiens debout bien accroché à la structure mais en équilibre instable, je me retourne et j’aperçois un visage crispé d’où sort un discours incompréhensible. Je m’approche pour l’écouter. « I want to go back, I want to go back! » Elle semble plus furieuse qu’apeurée, et dans son anglais germanique le plus violent possible, elle me reproche de l’avoir amenée à son insu dans cet « enfer » qui est en même temps un désert d’oiseaux. Le tout assaisonné d’insultes et de la promesse de ne pas payer son billet. Inutile de tenter une mise au point : elle m’interdit de lui parler.




Figure 3. La haute mer peut être un désert d'oiseaux, ou tout le contraire
© Paul Germain, 2010

Je demande à chacun des trois autres participants comment ils se sentent et ce qu’ils souhaitent. Ils désirent poursuivre l’exploration, malgré la situation un peu difficile. Et puis des oiseaux commencent à apparaître ici et là, au vol ou posés sur la mer. Quelques puffins à pattes roses exécutent de belles arabesques entre le vent et les vagues. Nous approchons à quelques mètres de petits phalaropes qui mènent en hiver une vie entièrement pélagique. Les tortues aussi ont l’air de vouloir apaiser la bonne dame, se laissant approcher, sortant la tête hors de l’eau pour montrer leur éternel sourire.





Figure 4. Phalaropes en haute mer
© Paul Germain, 2010


Mais les dauphins, plus intelligents, sont restés cachés. Ou tout simplement, avaient-ils déserté?


Le vent et les vagues augmentant, nous rentrons non sans avoir négocié notre approche et notre atterrissage sur la plage de San Agustinillo.


Par deux fois, je m’étais approché de l’allemande pour lui exprimer mes regrets pour son malaise et sa déception. Refus que je lui parle de quoi que ce soit. Mais la voici sur la plage qui vient à moi d’un pas décidé, et avant même que nos regards se rejoignent, elle me lance : « I have paid for the boat, but not for you! » Puis elle rejoint son mari pour rentrer à leur hôtel.

Voilà pour les oiseaux noirs. J’ai reçu d’Inga une volée d’oiseaux noirs. Bien reçus.




Figure 5. Symboliques oiseaux noirs...
© Paul Germain, 2010

Et notre mousse Antonio a reçu du couple (à la retraite) 200 pesos sur les 500 qu’ils auraient dû payer. Juste économie…

Me dis-je, pensif : Hans et Inga, connaîtrez-vous un jour autre chose que cet enfer?




Figure 6. Mer houleuse, oiseau noir
© Paul Germain, 2010


* * *


Tout cela semble bien ordinaire. Mais pour l’apprécier vraiment, il n’est rien comme de recevoir par la même occasion une volée d’oiseaux blancs.



Figure 7. Une volée d'oiseaux blancs...
© Paul Germain, 2010



Dans les jours précédant la sortie en mer, j’avais travaillé fort pour rassembler quatre participants intéressés aux oiseaux et prêts à payer 250 pesos chacun. Car ces sorties de reconnaissance et d’inventaire des oiseaux océaniques coûtent trop cher pour que nous, Mateo et moi, puissions les faire régulièrement sans la participation d’autres mordus.


S’étaient alors engagés à participer un couple d’américains, John et Joan, fort sympathiques; et puis Marie (ou sa mère) et David, un protégé de Marie qui ne jouit que d’une autonomie réduite. La participation de Marie était conditionnelle à ce que sa mère puisse garder son bébé, et celle de David à ce qu’il soit accompagné par l’une ou l’autre. Secrètement, je souhaitais la présence de Marie à cause de sa féminité et de son charisme engageants.



Au rendez-vous du matin du 20 mars 2010, je trouvai sur la plage John et Joan, tout prêts pour l’aventure, malgré le fort vent et le déferlement des vagues, parfois menaçant. Nous étions déjà ravis de nous retrouver.



Puis vinrent Marie et David. Nous formions déjà le petit groupe souhaité, et nous fîmes les présentations sur la plage. Mais rapidement, Marie annonça qu’elle devait annuler sa participation et celle de David, car sa mère était trop malade pour assurer la garde du bébé. Déception pour tous… d’autant que c’était leur dernière chance, leur départ du pays étant prévue pour le surlendemain.



Cependant, Marie s’empressa de m’offrir dans sa main déjà tendue une compensation en argent pour leur défection. Touché par la bonté sincère avec laquelle Marie se désistait, je l’acceptai de bon coeur, rappelant au petit groupe que ces excursions n’avaient rien de commercial, et que tout appui pour continuer notre travail d’ornithologues était fort bienvenu.




Figure 8. La beauté et la grâce du geste...
© Paul Germain, 2010


Bien au-delà de l’argent reçu, c’est la beauté et la grâce du geste, la manière spontanée et généreuse avec laquelle Marie a agi avec moi qui constitue la volée d’oiseaux blancs. Des oiseaux qui témoignent d’une conscience éprise de justice et de solidarité, des oiseaux qui disent : Voilà, Marie ne peut pas participer physiquement et partager votre plaisir, mais elle demeure avec vous par amour de la nature et de votre humanité commune.




Marie sème la joie. Elle cultive le paradis.




Figure 9. Phalarope à bec large en haute mer
© Paul Germain, 2010


* * *


Mais alors, comment, dans les minutes qui suivirent, Marie et sa lumière fut-elle remplacée par Inga et son ombre ? Et David, le dépendant, par Hans, le soumis?



En attendant la mise à l’eau de la chaloupe, John et Joan rencontrèrent sur la plage Hans et Inga qu’ils avaient connus récemment comme visiteurs épris de l’observation des oiseaux. Ils leur proposèrent de se joindre à nous, vu la place laissée par Marie et David. Ils leur expliquèrent que nous allions en haute mer pour les oiseaux océaniques. Ce que je précisai également avant le départ. Nous les attendîmes, le temps qu’ils se préparent à l’aventure.



… En mer, les choses se passèrent telles que déjà racontées.



Hans était demeuré calme et discret pendant toute l’excursion. Bien qu’il ne fît aucune objection aux manifestations de sa femme, quand je lui avais demandé son avis personnel, il s’était empressé de répondre que tout allait bien, et qu’il avait connu des mers plus inhospitalières dans le nord… Il a semblé à la fois imperturbable et content de son excursion.



Mais à la fin, il n’eût pas le loisir de me saluer, occupé qu’il était à transmettre les 200 pesos au jeune mousse, selon les instructions d’Inga. Et c’eût été difficile pour lui d’exprimer sa dissidence… Je l’ai approuvé en mon for intérieur, car pourquoi ajouterait-il à sa souffrance ?



Quant à la colère d’Inga, bien que j’aie eu conscience d’avoir agit professionnellement avant, pendant et après l’excursion, je senti le besoin de demander à John et Joan s’ils avaient remarqué quelque erreur de ma part qui aurait pu provoquer Inga. Dans l’affirmative, mon souci était de ne pas répéter cette erreur.



Ils m’assurèrent que tout provenait de la panique qui s’empara d’Inga à cause des mouvements de la chaloupe, et que l’ensemble de sa verbalisation exprimait le refus d’assumer elle-même sa peur et sa déception. Il fallait accuser quelqu’un, il fallait que les oiseaux noirs aient une cible…



C’est ainsi que s’est joué le jeu des complémentarités et des karmas. Faisant les comptes, je remarquai que le don de Marie correspondait exactement aux 300 pesos non payés par Inga. Que sur le plan des émotions, ses oiseaux blancs m’apportaient la joie oblitérant la peine causée par les oiseaux noirs. Que l’ensemble de toute cette aventure naturelle et humaine m’apportait une connaissance plus profonde de notre réalité autant que nos illusions. D’où mes sentiments de bonheur et de sérénité.



Plus qu’une anecdote, j’offre ce témoignage : s’il peut contribuer à ce que quelqu’un trouve son chemin vers le bonheur, cela vaudra le risque d'une lecture plus critique...



Paul Germain
Équinoxe du printemps 2010
À Ventanilla Tonameca, Mexique

© Paul Germain, 2010