dimanche 24 mai 2009

La saison des pluies

est commencée


Et chantent les cigales!


23 mai 2009
Il est 21 heures. Le ciel s’éclate. Il pleut, il flash, il claque et gronde.
En dix jours, c’est la cinquième pluie d’importance. On me dit que la saison des pluies est précoce cette année.

Jusqu’à maintenant, la nature est d’une beauté incroyable depuis la première pluie. Et j’aime le climat. Parfois chaud, mais quand la fraîcheur se répand, quel délice !


I_Un orage se prépare à Ventanilla, horizon est
© 2009 Paul Germain

N.B. Cliquez sur les photos pour les agrandir.

Je tapote au clavier tandis que le lecteur CD me joue en arrière-plan les Variations Goldberg avec Gould au piano. Mon espace intérieur s’accorde si bien avec cette musique, laquelle est aussi en harmonie avec la pluie, le tonnerre, et le silence entre eux.

Avant le coucher du soleil, derrière une accumulation d’énormes nuages en clair obscur, c’était un atelier d’aquarelle grandeur univers du côté de l’est. Pas pu résister à prendre quelques photos. Je résiste parfois, car je passe trop de temps et d’énergie à traiter des milliers de photos sur mon ordi. Mais enfin… Glen Gould pouvait-il dire aussi qu’il se ruinait sur les touches de son piano ? Les passions enrichissent et ruinent.


II Le ciel se fait aquarelliste avant que de fondre dans l'orage
© 2009 Paul Germain

Ah ! Et la feuillaison ! Depuis quelques jours après la première pluie, c’est autour de moi une montée lente et puissante de la chlorophylle, et des pigments dorés ou ambre qui l’accompagnent dans le cycle saisonnier. Et quoi ?! La nature sur cette colline tropicale de forêt sèche me paraît à ce titre (uniquement à ce titre) une copie conforme à celle de mes collines de Portneuf, froides et humides. N’est-ce pas là aussi entre le 15 et le 25 mai que les érables, les bouleaux et les hêtres se chargent de feuilles toutes neuves, avec ce déploiement de verts si tendres au début, si effervescents par la suite ?

Tout a changé ici avec la pluie. La lumière est vive et transparente. L’air est plus dense et doux, il se touche comme du velours. Et les odeurs…

Je tais mon écriture, pour traiter les photos du ciel. Et de la chlorophylle. J’en joindrai à ces quelques mots.


III Feuillaison le 23 mai sur les collines de Ventanilla
© 2009 Paul Germain


IV Feuillaison le 23 mai sur les collines de Ventanilla : le ravin de l’est.
© 2009 Paul Germain

vendredi 1 mai 2009


Chacahuita
Ou comment les oiseaux me font vivre

Sur le littoral de l’océan Pacifique, la côte du Oaxaca, Mexique (carte de localisation à la fin du texte), est bordée d’une longue plage (500 km) à faire rêver les millions des pays nordiques. J’y habite, j’y travaille, je m’y baigne à l’année. Le plus souvent dans une merveilleuse solitude.



I - Plage de San Agustinillo, Oaxaca, en janvier 2006
© Copyright Paul Germain 2006


Le Pacifique. D’ici, le regard franc sud se perd dans la courbure de l’horizon. Derrière lui la première terre est l’Antarctique.


II - Le Pacifique direction franc sud. Derrière l'horizon, la première terre est l'Antarctique
© Copyright Paul Germain 2006

Du jeu de la mer avec les rivières

Les nombreuses rivières qui drainent la Sierra Madre del Sur, haute chaîne de montagnes de la région, y déversent calmement en saison sèche leurs eaux douces et fraîches le matin, très chaudes l’après-midi. Elles deviennent torrentueuses et volumineuses pendant les pluies (juillet à septembre). Alors elles charrient à la mer le sable arraché au continent.

Les vagues du Pacifique sont renommées. Elles étonnent, elles fascinent, elles tuent. Elles érodent, elles rongent et mordent, elles détruisent. Mais aussi, elles jouent avec les rivières dont elles avalent les eaux douces et le sable. Avec elles, selon des règles complexes et mouvantes, au rythme des saisons, elles construisent et détruisent des barrages de sable (barres et dunes). Derrière ceux-là sont retenues pour un temps les eaux de la montagne, dans d’immenses lagunes d’eau douce ou saumâtre.

Là est le festin. Là s’éclate la vie.




III - Lagune et barre de sable à Tomatal, Oaxaca. Source: http://www.tomzap.com/

Cliquer sur les images pour les agrandir. Cliquer sur la flèche de retour en haut à gauche de l'écran pour revenir au texte.

Entre l’algue microscopique et le crocodile de cinq mètres, grouille une faune incroyable où chacun dévore avant d’être dévoré. Tout cela en symbiose avec une végétation non moins étonnante, qui culmine dans la mangrove en ces immenses palétuviers, arbres aux racines aériennes spécialisées, et aux organes reproducteurs intelligents.

Les rivières et leurs embouchures, les lagunes et les mangroves sont ici des bouillons de culture pour la vie microscopique et pour les chaînes alimentaires qui s’y édifient. Alors, c’est aussi une explosion d’oiseaux. En nombres et en variétés.

S’il n’en existait pas une autre, plus universelle et plus intime à la fois, cette faune ailée serait ma raison d’être.

Améliorer les services écotouristiques de la côte

Les oiseaux de la côte du Oaxaca sont tels qu’ils causent l’émerveillement de tous, et apportent une pure joie à tous ceux et celles qui ressentent leur lien avec la nature.

Ils me donnent mon travail quotidien, ils me font vivre comme je vis. Très bien.

Mon travail est orienté vers la réalisation d’un petit livre, guide d’identification des oiseaux de la Côte du Oaxaca. L’intention est de produire un instrument adapté aux guides locaux d’écotourisme. Ils pourront mieux identifier ces oiseaux qu’ils montrent aux visiteurs mexicains et d’autres pays. Adapté : pas trop d’espèces, beaucoup d’images, peu de mots (en espagnol exclusivement, sauf pour les noms d’espèces en quatre langues).

Parmi mes tâches : photographie des oiseaux, traitement informatique des photos, montage des pages illustrées au moyen des logiciels PhotoShop et Microsoft Publisher, rédaction des textes et mise en page. De plus, pour justifier le soutien financier apporté par un organisme international via le Réseau des milieux humides de la Côte du Oaxaca, je partage chaque semaine une sortie ou deux avec un/des guides des coopératives locales d’écotourisme afin de contribuer à leur perfectionnement en matière d’identification et d’observation des oiseaux. Cela s’avère une collaboration fructueuse pour moi aussi, grâce à leur assistance dans le dépistage des oiseaux à photographier.



IV - À l'aviron, un guide de la coopérative Servicios Ecoturisticos de Ventanilla
© Copyright Paul Germain 2008


Il n’en demeure pas moins que les visiteurs soient surtout attirés par les crocodiles de la lagune de Ventanilla. D’autres reptiles comme les iguanes verts, les iguanes à crête et d’énormes tortues d’eau douce font partie du spectacle. Je ne me prive pas de les photographier à l’occasion…



V - Jeune crocodile d'un mètre bien protégé et plein d'espoir tranquille dans la lagune de Ventanilla, Oaxaca
© Copyright Paul Germain 2009


Chacahuita

Entre l’immensité du Pacifique et le petit guide des oiseaux, j’ai évoqué le bouillonnement de la vie dans les milieux humides du littoral.

Enlevez vos chaussures, protégez-vous du soleil et des moustiques, embarquez avec Fabian et moi. Nous camperons pour deux nuits et deux jours sur la barre de sable, entre la mer qui ne cesse de fracasser et de gronder et les eaux calmes et silencieuses de la lagune. Silence souligné par les cris et les chants des oiseaux.

Nous sommes à Chacahuita. Plus exactement à Barra Tonameca, jetée de sable labile entre la mer et le rio Tonameca qui jouent ensemble le jeu évoqué plus haut. Cela, à 5 km à peine de Ventanilla où j’habite. (De fait, le site de Ventanilla n’est autre qu’une section, à l’extrême est, de l’immense lagune et mangrove alimentées par le rio Tonameca et qui s’étendent sur une douzaine de kilomètres le long de la côte.)



VI - La barre et le rio Tonameca, avec une partie de la lagune et de la mangrove qui s'étendent sur 12 km le long de la côte entre Ventanilla et Lagarto, Oaxaca
Source: http://www.tomzap.com/


La petite coopérative écotouristique du hameau de Chacahua Tonameca (Chacahuita) exerce quelques activités dans ce milieu humide, et maintient une palapa sur la barre de sable, abri rudimentaire contre le soleil et le vent. Victor est son coordonnateur, assisté par son frère Fabian. Ils m’attendaient au village. La collaboration est assurée et cordiale, l’hospitalité va de pair.

Vous suivez donc dans la barquette, chargée d’équipement et de matériel, d’eau potable et de vivres. Ou plutôt, vous admirez le coucher du soleil et le vol semi-nocturne des engoulevents qui cabriolent dans les nuages d’insectes.

Dix minutes seulement de pagaie et la rive distale est atteinte. Nous abordons à 25 mètres de la palapa. Derrière elle, des vagues immenses déferlent à moins de 100m, crachant leurs embruns jusqu’à nous. Leur tonnerre ne s’arrête jamais.

Dans la pénombre et le vent tiède et salin, ma minuscule tente sera vite montée, et tout mon bagage rangé à l’abri de la palapa. Ils y seront quatre à dormir, Fabian, Victor et deux copains pêcheurs qui nous ont rejoints. Grâce à eux et aux eaux douces et salées qui nous entourent, nous ne manquerons pas de poisson et de fruits de mer.


VII - Rendez-vous de la lune avec Vénus, à l'aube du 22 avril 2009
© Copyright Paul Germain 2009


Lever à la première lueur de l’aube, le 22 avril 2009. La lune en fin de cycle s’est levée un peu avant le soleil, et la pointe de son fin croissant touche presque Vénus. Pas pu résister à fixer sur mon Canon ce rendez-vous planétaire… illusoire.

La matinée sera consacrée à canoter dans la lagune, Fabian à la pagaie et Paul au téléobjectif.


Quelques images récoltées au cours de cette tournée.


VIII - C'est de cette barquette, Fabian à l'aviron, que les photos suivantes ont été prises ("approche à découvert")
© Copyright Paul Germain 2009



IX - Les canards (Dendrocygnes à ventre noir) y étaient abondants, près de 1000, concentrés dans une petite zone . Ils ne se laissent pas "approcher à découvert"
© Copyright Paul Germain 2009



X - Moins sauvages paraissent être ces Foulques (de la famille des gallinules) et l'Aigrette neigeuse en arrière ("approche à découvert")
© Copyright Paul Germain 2009


XI - Les 2 espèces de Gallinules, poule-d'eau et pourprée (ou Talève violacée, à droite), sont aussi craintives que belles ("approche à découvert")
© Copyright Paul Germain 2009

N’oubliez pas de cliquer sur les images pour les agrandir au besoin.


XII - Ce Jacana en plumage juvénile n'a d'autre à faire qu'à chasser dans son jardin aquatique ("approche à découvert")
© Copyright Paul Germain 2009


En après-midi, la marée est à son plus haut, et les vagues engendrées par la longue houle du Pacifique projettent des masses d’eau menaçantes à quelques mètres de la palapa et de ma tente. Tout à côté, à 20m, la dune est érodée et la mer passe par-dessus, glissant jusque dans la lagune d’eau douce. Serons-nous au sec la nuit prochaine quand la marée sera haute de nouveau ?

Les quelques précautions prises et notre optimisme nous auront sauvé du désastre.


Mieux encore: se laisser approcher


Le deuxième matin, je me lève bien avant le jour, car je me propose d’installer ma cache (photoblind pour les américains) dans la barquette, une fois amarrée sous les buissons qui bordent la lagune du côté de la terre ferme. Je m’y installerai avant que les oiseaux ne soient trop actifs, et j’y demeurerai à l’affût quatre heures, assis dans un micro-espace flottant de 0,5 m3.

Il fut impossible de prendre une photo de mon installation ce matin là. Mais pour donner une idée de ce qu’est ce photoblind (cache pour prendre des photos), je le montre ici installé dans une clairière à Ventanilla, le 7 avril 2009 (photos par Eulalio avec appareil Fuji Finepix S5200).



XIII - Cache pour photo (photoblind) de marque Kwickcamo, montée sur une structure "personnelle". On aura deviné que si l'objectif demeure visible mais discret, la main...
© Copyright Paul Germain 2009


Les photographies récoltées m’ont bien récompensé pour mon inconfort.

En fait, je ressens plus de plaisirs et de joies que de peines au cours de ces explorations stationnaires. Chaque instant est alors vécu comme une promesse d’une surprise imminente, et de fait, des découvertes passionnantes se succèdent assurément. Car la vie sauvage s’ébat encore mieux devant celui qui s’efface… et sait attendre.


XIV - La Talève violacée est un des premiers oiseaux à s'être approché de ma cache
© Copyright Paul Germain 2009


XV - Talèves violacées adulte et juvénile marchent avec leurs raquettes naturelles bien jaunes sur la végétation flottante
© Copyright Paul Germain 2009


XVI - Le Quiscale à longue queue (noir) et le Héron vert (c'est le dos qui est vert) font les sentinelles non loin de ma cache
© Copyright Paul Germain 2009


XVII - Le Grèbe minime n'est pas un canard, mais un plongeur-pêcheur expert en crevettes. L'oeil jaune ambre est remarquable sur l'image agrandie.
© Copyright Paul Germain 2009


XVIII - Ce couple de Gallinule poule-d'eau mène un vie paisible malgré les apparences
© Copyright Paul Germain 2009


XIX - Dénué de la méfiance des adultes, ce Jacana d'Amérique juvénile s'est approché à 3 mètres. L’écusson de corne doré sur le front est une caractéristique de l’espèce.
© Copyright Paul Germain 2009

Il y avait donc autour de moi, tout ce petit monde ailé qui surveillait, picorait, piaillait, criait, volait, plongeait, chantait, pêchait, chassaient, avalaient… Plusieurs observaient avec méfiance la barquette (associée à la présence humaine), mon téléobjectif forcément visible, et la cache-camouflage elle-même, élément inhabituel dans leur milieu. La plupart demeuraient à une distance prudente (plus de 10 m). Mais l’avantage de mon camouflage fût énorme en comparaison de l’approche à découvert pratiquée la veille, dans la même barquette.

Il y avait aussi quelques temps « morts ». Mon regard se portait alors au loin, d’où venait le chant tonitruant de l’océan. Ma cache se trouvait orientée, sans intention préalable, exactement vers la palapa et ma petite tente sur la barre de sable. À ma grande surprise, je pouvais observer les tonnes d’eau jaillissant du fracas des vagues sur la plage, de l’autre côté de la barre. Les gerbes explosives montaient jusqu’à une dizaine de mètres. Je me suis amusé à en capter quelques-unes au téléobjectif.


XX - En déferlant, les vagues énormes compriment beaucoup d'air sous la surface. Cet air explose en faisant jaillir d'impressionnantes gerbes d'eau. Ma petite tente fait un mètre de hauteur, et les gerbes sont à 100 m derrière…
© Copyright Paul Germain 2009

De retour au camp vers midi, je me suis baigné dans la lagune, douce et tiède comme ce creux où l’homme se sent vivre et mourir à la fois. Et les vagues de l'océan, plus que la veille passant par-dessus le cordon de sable, déferlaient dans ces eaux calmes tout près de moi. Ce fut un bonheur sensuel que de jouer dans les remous, de me mêler au jeu de l’océan et de la rivière où cette fois, c’était l’eau douce qui avalait la mer. Une inondation de fraîcheur au goût de sel. Et la lumière du soleil dans ce joyeux festin !

Je serais bien resté à la dune plusieurs jours encore… Mais Victor et Fabian m’avisèrent que la nuit suivante, il était probable que les vagues couvriraient le sable où nous campions. Pour cette raison et d’autres les concernant personnellement, il valait mieux décamper et vite.

Vous n’avez pas vu cette dernière vague ? Venue lécher le sable à 2 mètres de la palapa ! Un peu plus, et le bagage et l’équipement rassemblé pour le départ allait s’imbiber d’eau de mer…

Il est bon de partir quand les choses vont encore très bien…

¡Besos a la oaxaqueña! (muy picante)


Notes


Je remercie Tom Penick, webmestre du site www.tomzap.com , pour la permission d'utiliser trois de ses images dans cette page.

Sauf les images provenant du site tomzap, et celles montrant la cache Kwickcamo, toutes les photos ont été prises avec un appareil CANON EOS 40D (10 Mégapixels) muni d’une lentille CANON 70-300mm.

Pour ceux et celles qui ne situent pas très bien l’état du Oaxaca au Mexique, j’inclus une mini-carte copiée du site http://www.tomzap.com/ que je vous propose d’aller voir. À faire rêver… et aussi plein d’informations touristiques et techniques.

XXI - Localisation de l'état de Oaxaca dans le Mexique. Sur le site d'origine, on peut voir les cartes détaillées des encadrés en rouge.